UN ALLER PARIS BRAZZA POUR SE SOINER!! OUI VOUS AVEZ BIEN LU
Publié 02/06
Il y avait une malade
dans l'avion...
Le vol de
Paris d'hier soir comptait une voyageuse particulière. Femme de
caractère et grande intellectuelle ayant réalisé toute sa carrière en
occident, elle a pris l'avion dans des conditions particulières. Non,
pas refoulée, non ; pas en vacances non plus à vrai dire, mais « évacuée
volontaire sanitaire », pourrions-nous dire. Elle a expliqué à son
entourage qu'elle venait momentanément au pays « en soins ». Que son
état de santé était tel qu'il n'y a qu'au pays que l'on pouvait la «
travailler ». Et donc sans l'avis de son médecin, interrompant lourdes
chimiothérapies et autres coûteuses résonnances magnétiques, elle a
entrepris vers chez nous, donc vers chez elle, le voyage de la
délivrance. Étonnant. Chaque jour nous sommes quelques centaines à
tenter d'arracher un visa pour nous rendre en Europe. Et, l'ayant
obtenu, à nous attarder dans les capitales de là-bas pour un dernier
rendez-vous chez le médecin qui nous avait traités « en
mille-neuf-cent-quelque chose » pour une rhinite, un début de
déformation de l'ongle du pied droit (ou autre chose de plus sérieux).
Et chaque année, nous sommes nombreux également à courir, désespérés,
vers notre propre médecin d'ici afin qu'il nous dise s'il n'existe pas
ailleurs « la » thérapie adaptée à notre arthrose, à note sinusite
inguérissable ou autre chose de plus grave. Or, visiblement, notre ruée
vers les consulats peut se justifier pour des raisons des plus
contradictoires. Il y a ceux qui font valoir, avec les preuves les
plus sérieuses à l'appui, que la pathologie rare dont ils souffrent n'a
aucun spécialiste sur la place. Leur vie dépendrait donc résolument du
Pr. G. Sove de l'hôpital central de Grand-être, à Voicy-Lavoy. Agents
consulaires, sachez donner, s'il vous plaît, une réponse humaine à ces
désespoirs : vous sauverez des vies. Car il y a du sérieux dans ces
demandes. Tous nos désespérés ne sont pas que de petits malins cherchant
à aller faire leurs courses chez Taty (à Paris, pas à Pointe-Noire !).
Il y a du vrai, du sérieux et du dramatique dans ces demandes : j'en
témoigne. Mais il faut bien croire que ceux qui sont en Europe,
qui y vivent depuis des années au point de ne plus savoir le goût d'un
manioc « nzenga » et son prix sur les marchés de Talangaï, Moungali ou
Total, ne sont pas rares à penser aussi au pays en termes d'ultime
sanctuaire de guérison quand arrivent les coups durs. Prendre un billet
d'avion depuis Paris pour venir se faire traiter à Owando, Sibiti ou
Kinkala a quelque chose d'étonnant dans la démarche. La foule des
questions qu'elle suscite pose l'éternelle question de notre dualité
entre nos croyances (il y en a qui diraient « superstitions ») et la
modernité de la science. Qui doit l'emporter quand nous arrivent les
coups « assommants » dans notre santé, notre état d'être, nos relations
de famille ? Le cancer est une maladie, le sida aussi. La
schizophrénie et toute la gamme des perturbations mentales sont
également des maladies bien documentées par la médecine. On peut en
guérir. On peut en tout cas les traiter, les soulager, les contenir. Il y
faut de la volonté et la connaissance du corps qui en est atteint. En
sommes-nous toujours conscients ? Ou bien, dans le désespoir absolu, «
sautons-nous » allégrement les étapes de la connaissance pour nous
réfugier dans les brumes de la croyance et de la « tradition » ? La
transformant ainsi en lieu du dernier recours, alors qu'il y a bien des
passerelles de coopération possibles ! Ce serait rendre à la
tradition un vilain service. Ce serait la transformer en un monde où
rien n'est normal qui n'ait pas été influencé par la colère de l'oncle,
la déception du père, l'insatisfaction des attentes d'une tante,
l'oracle de l'ancêtre ! Un monde où il serait normal de rétorquer : « Un
cancer ? Qui le lui a jeté ? ». Demain, les vols Brazza-Paris auront
des malades, mais les vols Paris-Brazza aussi. Comment arrêter le
mouvement du balancier ? Et retrouver quand même la santé, là-bas ou ici
? Lucien Mpama
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